Relations Internationales : Théories et Acteurs
Somaire
Introduction
Depuis plusieurs années, le monde vit une accélération des mouvements d’êtres humains et des échanges de biens, de services, de capitaux, de technologies, de pratiques culturelles sur toute la planète. Il y a une élévation du niveau d’interaction entre les différentes régions et populations du monde. C’est le spectacle quotidien d’un ensemble de processus économiques, sociaux, culturels, technologiques et institutionnels qui contribuent à la mise en relation des Etats, des sociétés et des individus du monde entier avec un développement progressif et une influence croissante des organisations intergouvernementales et des organisations nongouvernementales. On assiste à un processus progressif d’intensification des échanges et des flux entre les différentes parties du monde avec la libre circulation des marchandises, des capitaux, des services, des personnes, des techniques, des technologies, de l'information ainsi que sur le processus d'intégration des marchés et de rapprochement des humains. Ce processus résulte, notamment, de la libéralisation des échanges, du développement des moyens de transport des personnes et des marchandises, et de l’incidence des technologies de l'information et de la communication à l'échelle planétaire. Naturellement, cela conduit à l'interdépendance croissante des économies et à l'intensification de la concurrence, par l'expansion des échanges et des interactions humaines. Le mouvement évoqué est souvent désigné sous le vocable de « mondialisation » ou de « globalisation ».
L’entrée dans le 21e siècle s’est faite parallèlement à un mouvement d’intensification des relations internationales. Cette tendance a contribué à compliquer la lecture de l’actualité mondiale et de ses rouages. Ceci ajoute une difficulté supplémentaire à la conception et à la mise en œuvre de théories des relations internationales qui soient suffisamment cohérentes, claires, intelligibles et adaptées au monde contemporain. Dans le même temps, le système international est devenu plus difficile à appréhender. L’économie mondiale a évolué de manière sensible. La notion de mondialisation et la notion de nouveaux pays industrialisés traduisent une complexité à la hauteur de la densité des échanges économiques et commerciaux internationaux
Prenant en compte le souci d’intelligibilité, l’étude des relations internationales peut se focaliser sur deux aspects majeurs, à savoir, l’analyse desdites relations et leursChapitre 1 : L’analyse des relations internationales
La théorie des relations internationales comporte deux principaux courants, à savoir, le courant conflictuel des relations internationales et le courant solidariste des relations internationales. Le courant conflictuel des relations internationales soutient que les relations internationales sont conflictuelles et compétitives. L'idée générale du courant conflictuel est que la société internationale est un ensemble dans lequel c’est la loi du plus fort qui s'impose. Le courant solidariste des relations internationales met en relief la coopération et l'intégration internationale qui, selon ce courant, caractérisent les relations internationales.
Il existe plusieurs composantes dans chacun de ces deux courants. Le courant conflictuel comporte, entre autres, la composante marxiste et la composante appelée le réalisme.Selon la théorie marxiste, les rapports internationaux sont fondés sur des antagonismes de classe à l'échelle mondiale. Les acteurs économiques, qui sont en fait les détenteurs du capital, agissent derrière la façade des gouvernements pour dicter la paix ou la guerre en fonction de leurs intérêts. Les relations internationales s’expliquent uniquement par les calculs des détenteurs du pouvoir économique. Les détenteurs du pouvoir économique détruisent les barrières à la libre expansion du capitalisme et favorisent l’expansion du capitalisme à tous les niveaux. La théorie marxiste soutient que c'est du capitalisme lui-même que viendront, à la fois, le mal et le remède. Lorsque le capitalisme aura assuré son emprise sur tout l'espace habité, il se heurtera fatalement à des contradictions insurmontables. Il y aura une révolution qui va surgir de l'autodestruction du capitalisme. Dans le cadre de notre étude, nous retiendrons une seule de ces composantes qui fera l’objet d’une présentation detaillee, à savoir, le réalisme. La même approche sera utilisée pour le courant solidariste. Dans ce cas, le choix d’étude sera porté sur la composante dénommée le libéralisme.
Section 1 : Le réalisme
Le qualificatif « réaliste » désigne les auteurs qui prétendent considérer l'humain et les rapports sociaux, notamment les relations politiques, tels qu'ils sont et non tel que l'on voudrait qu'ils soient. C'est la conception la plus ancienne et sans doute la plus répandue. Elle se subdivise en deux courants : le réalisme classique et le néoréalisme.
Paragraphe 1 : Le réalisme classique
Les principaux théoriciens du réalisme classique
Ce sont les auteurs qui estiment que la nature humaine est mauvaise, qu’elle inclinée au mal, à la violence, à l'égocentrisme. Il y a les précurseurs du réalisme et les auteurs modernes.
A. Les précurseurs du réalisme
Le réalisme s'inspire d'un ensemble de propositions énoncées par Hobbes, Machiavel et Thucydide.
1. Thucydide
Il est admis que le philosophe grec Thucydide (471 - 400 avant JC) est le précurseur du réalisme et de l'analyse des relations internationales".
Deux principales contributions Thucydide :
• Chaque Etat cherche nécessairement à maximiser sa puissance militaire et politique, ce qui crée des conditions favorables à la guerre ;
• La guerre est plus possible entre Etats autoritaires qu'entre Etats démocratiques puisque les seconds sont moins impérialistes que les premiers.
Thucydide est l’auteur de La Guerre du Péloponnèse, récit de la guerre qui opposa Athènes et Sparte entre 431 et 404 av. J.-C. L’ouvrage « Péloponnèse » de Thucydide est considéré comme étant le point de départ de la théorie réaliste qui s'est poursuivie avec le livre « le Léviathan » de Hobbes et « Le Prince » de Machiavel. Thucydide rationalise les faits et explore les causes profondes des événements, en écartant tout ce qui procède du mythe ou de la rumeur. Pour lui, la qualité fondamentale de l’historien est l'exactitude, qui implique l'impartialité, et le devoir de l’historien consiste à rechercher la vérité.
2. Machiavel
Machiavel constitue aussi une référence des théoriciens réalistes. Dans son œuvre intitulé « le prince », Machiavel expose sa vision des relations internationales. Celle-ci est dénuée de toutes considérations morales et religieuses. Pour Machiavel, le désir d'acquérir est une chose ordinaire et naturelle et tout Etat doit s'efforcer d'étendre ses possessions. Cette fin justifie l'emploi de tous les moyens. Pour agrandir son territoire et conserver ses conquêtes, le prince doit s'inspirer de la ruse du renard (la diplomatie) et de la force du lion (la puissance militaire) : « un prince doit savoir combattre en homme et en bête.
Il faut comprendre que Machiavel utilise le concept de prince pour désigner celui qui détient le pouvoir. Selon lui, un prince doit se faire une réputation de bonté, de clémence, de pitié, de loyauté et de justice. Il doit d'ailleurs avoir toutes ses bonnes qualités, mais rester maître de soi pour en déployer de contraires, lorsque cela est expédiant. Selon lui, un prince, et surtout un prince nouveau, ne peut exercer impunément les vertus de l'homme moyen parce que l'intérêt de sa conservation l'oblige souvent à violer les lois de l'humanité, de la loyauté ».
Machiavel conçoit les Etats comme des monstres froids. Ils n'ont ni amis ni ennemis. Ils ont seulement des intérêts nationaux à défendre. Cette aspiration naturelle à la souveraineté est la cause qui justifie l'emploi de tous les moyens pour sauvegarder et agrandir la puissance d'un Etat. Mais elle est également la cause des rivalités et des conflits inévitables et permanents entre les Etats. C’est la raison pour laquelle la société internationale ne peut être qu'anarchique.
Tout au long de son ouvrage Le Prince, Machiavel critique la thèse dominante à son époque selon laquelle l'autorité légitime découle de la bonté morale. Il estime qu'on ne peut pas juger du caractère légitime ou illégitime du pouvoir sur une base morale.
Selon Machiavel, celui qui gouverne doit aussi bien employer des moyens bestiaux que des moyens proprement humains. Il est plus efficace « d'être craint que d'être aimé ». On peut appeler « cruautés bien utilisées » celles que l'on fait d'un coup, en raison de la nécessaire sécurité, et dans lesquelles on ne persiste pas par la suite, mais qui se convertissent en plus de profit pour les sujets. La notion de droits légitimes de gouverner n'ajoute rien à la possession actuelle du pouvoir. L'essence de la politique réside dans l'étude de la façon d'utiliser le pouvoir afin d'assurer la sécurité de l'État, de se maintenir au pouvoir et d'être obéi par le peuple. Machiavel admet que de bonnes lois et une armée solide sont la base d'un système politique efficace. Mais chez lui la force prime sur la loi.
3. Thomas Hobbes
Hobbes part du fait que l’Homme est naturellement porté à se quereller avec ses semblables, soit pour la recherche du profit, soit pour la défense de sa sécurité, soit pour la gloire. Cet état naturel de l'Homme est lié à l'absence de pouvoir organisé : « aussi longtemps que les Hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tient tous en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre et cette guerre est de chacun contre chacun ».
Dans la présentation de Hobbes, les individus disposent tous de forces, tant physiques que spirituelles, pratiquement égales, puisque le plus faible a toujours assez de force pour tuer le plus fort. Or chacun, mû par son propre mouvement vital qui tend à se conserver indéfiniment par inertie naturelle et qui se traduit par le désir de durer, tend à s'emparer de tout ce qui, selon les calculs de sa raison, peut lui permettre de survivre. Entre les individus qui coexistent s'établit à partir de cet état primordial d'égalité, qui est l'état même de la nature, un système d'équilibre. C’est le résultat de la composition mécanique des désirs, des craintes et des forces en présence. Né du désir et de la crainte, de la défiance rationnelle de chacun à l'égard de chacun, cet état, où chacun a un droit légal sur toutes choses, et même sur le corps de l'autre, est un état de guerre strictement conforme, pour chacun, à un calcul correct de sa raison.
Chaque individu, tout en s'efforçant d'accumuler le plus de puissance possible, demeure pratiquement égal à chacun des autres. Une égale menace réciproque pèse sur tous. État d'équilibre, l'état de nature est un état d'instabilité, d'insécurité et de misère. Il ne comporte ni société, ni agriculture, ni industrie, ni justice, ni injustice, ni lettres, ni arts, ni sciences d'aucune sorte. Chacun, en proie à une crainte continuelle et au risque de la mort violente, vit une vie solitaire, misérable, bestiale et brève. D'où la formule célèbre : dans l'état de nature : « l'homme est un loup pour l'homme ».
À ce point de misère et de malheur, la crainte de la mort suffit à déterminer chacun à s'imposer n'importe quel sacrifice, pourvu que sa vie soit sauve et sûre.
Dès lors le seul moyen pour éviter le recours permanent et généralisé à la violence est d'instituer un pouvoir à l'abri duquel les Hommes pourront vivre en paix. Tel est l'objet du pacte social par lequel chacun abandonne sa liberté en échange de la sécurité que lui offre l'autorité concentrée, indifféremment, entre les mains du prince ou d'une assemblée.
Ainsi se trouve institué le souverain, qui dispose d'un pouvoir absolu, unique, indivisible, irrésistible. Les citoyens demeurent liés par le contrat, lui seul ne l'est pas, car il n'a contracté avec personne. Sa légitimité ne tient qu'à sa toute-puissance désormais. Il est au-dessus de tous les pouvoirs ; il n'a pas de devoirs, il n'a que des fonctions. Il est au-dessus des lois et au-dessus des droits, puisqu'il fait les lois et qu'il octroie les droits. Il n'est même pas tenu par une loi naturelle, puisqu'il en serait le seul juge. D'ailleurs la loi naturelle n'est rien d'autre qu'un théorème, une proposition établie par un calcul rationnel. Le peuple lui-même ne peut s'opposer à lui. Hobbes s'efforce ainsi de montrer que, seule, l'omnipotence du souverain, le caractère absolu de son pouvoir, rend possible l'accomplissement rationnel de sa fonction, c'est-à-dire le maintien d'un ordre pacifique et sûr dans l'État.
Il reste cependant que si l'état de société a pu être établi à l'intérieur de chaque république, l'état de nature subsiste intégralement dans les rapports entre républiques puisqu'aucun pouvoir n'existe qui puisse s'imposer à celles-ci.
B. Les auteurs modernes
Parmi les penseurs qui ont contribué à l’approfondissement du réalisme, il y a Hans Morgenthau, Edward Hallet Carr et Hedley Bull.
1. Hans Morgenthau
L’ouvrage le plus connu de Hans Morgenthau est « Politics Among Nations: The Struggle for Power and Peace ». L’auteur s’oppose à une orientation idéaliste quant à la politique étrangère. Il se base sur des postulats rationalistes et une conception pessimiste des aspirations humaines.
Dans « Politics among Nations », Morgenthau vise à contrer ce qu’il estime comme une tendance nuisible et idéaliste de la politique américaine de son époque. Il propose ce qui est désormais considéré comme l’approche réaliste classique. Un de ses postulats initiaux est une conception pessimiste des aspirations humaines, assimilées à la tendance à dominer les autres individus. Il soutient l’hypothèse selon laquelle les politiques étrangères, comme toutes les actions humaines, sont rationnelles et cohérentes. Cependant il critique les dérives déterministes du rationalisme et les tendances prophétiques en relations internationales. Il soutient que le pouvoir représente le but suprême de chaque politique étrangère, gouvernée par des lois immuables inhérentes à la nature humaine. Selon lui, Tous les États peuvent poursuivre seulement trois types de politiques rationnelles :
• Maintenir leur puissance ;
• L’augmenter ;
• La démontrer.
Il affirme également que ces aspirations à dominer ne doivent jamais être assimilées à des lois morales universelles, faisant valoir que les considérations politiques doivent en être dépourvues. Selon lui, la guerre a un rôle dominant. Elle fait partie des forces naturelles et immuables qui ne doivent pas être contrées mais utilisées. Toutefois, par rapport aux engagements militaires prolongés, il se montre généralement hostile : il les tient pour contre-productifs, vains et surtout trop coûteux en raison des ressources nationales limitées. Il met l'accent sur la notion d'intérêt national. Il considère que le principe directeur du réalisme politique est le concept d'intérêt, défini en termes de puissance. Il définit les déterminants matériels de la puissance. Par exemple :
• Un vaste territoire ;
• Une population nombreuse ;
• Une économie forte (qui permet le cas échéant de financer une guerre) ; Une technologie de pointe.
À ces éléments, il a ajouté les déterminants immatériels, comme c’est le cas du sentiment national, de la qualité du gouvernement et de la qualité de la diplomatie.
Selon lui, le but de la politique est la domination. L’auteur souligne que le réaliste ne nie pas la dimension morale de l'action politique, mais les principes moraux doivent être adaptés à la situation concrète (et non pas être appliqués dans leur formulation abstraite et universelle). Le réaliste doit également déterminer l'endroit où l'intérêt national diverge de considérations morales et légales. Le réaliste doit privilégier l’intérêt national. Morgenthau est considéré comme un "réaliste classique".
Hans Morgenthau énonce les six principes du réalisme politique dans son ouvrage « Politics Among Nations » :
• La politique suit des règles objectives, celles de la nature humaine ;
• Le concept d'intérêt, dans sa signification de pouvoir, permet de comprendre le but de la politique ;
• Le concept d'intérêt, dans sa signification de pouvoir, ne change pas dans le temps et dans l'espace, mais bien selon "l'essence de la politique" ;
• Les principes moraux ne peuvent être pris en compte pour comprendre les relations entre les États. Ils changent dans le temps et dans l’espace : les États agissent toujours en fonction du principe moral suprême de survie nationale ;
• Les aspirations morales des États (par exemple, promouvoir la paix dans le monde) ne peuvent être considérées comme aspirations morales universelles, mais comme des intérêts des États à un moment donné ;
• Le réalisme politique reconnaît que l'homme possède plusieurs sphères d'intérêts, telle que la sphère politique ;
2. Edward Hallet Carr
Edwart Hallet Carr est considéré comme l’un des penseurs modernes du courant du réalisme en relations internationales, avec, notamment Hans Morgenthau, Raymond Aron et Henry Kissinger. Il a apporté une contribution importante au développement de la pensée des précurseurs du réalisme. Dans son célèbre ouvrage « La crise de vingt ans : 1919-1939 » il donne un aperçu de sa vision « réaliste » des relations internationales. Il soutient que la première guerre mondiale a été déclenchée par des puissances européennes qui redoutaient un affaiblissement de leur position au profit d'autres puissances rivales. Les Etats victimes d'agressions ont riposté pour protéger leur sécurité. Mais ils sont allés trop loin. Ils ont poursuivi la guerre pour affaiblir leurs ennemis et réaliser de nouvelles conquêtes. Ils ont imposé à l'Allemagne vaincue des réparations démesurées et irréalistes ce qui a conduit à un énorme ressentiment avec pour conséquence le réarmement et une nouvelle agression de l'Allemagne en 1939.
Les observations de l’auteur visent à expliquer que si les puissances victorieuses de la première guerre mondiale avaient adopté une approche réaliste, la seconde guerre mondiale n'aurait pas eu lieu.
3. Hedley Bull
La principale publication de Hedley Bull est « The Anarchical Society ». Dans ce livre l’auteur soutien que malgré son caractère anarchique, la scène internationale est caractérisée par la formation d'une société d'États et de systèmes d'États. Les États forment un système quand ils ont un degré suffisant d'interaction. Ils se comportent - dans une certaine mesure comme les parties d'un tout. Un système d'États peut exister sans que cela soit une société d'États. Une société d'États se crée quand un groupe d'États, conscients de certains intérêts communs et valeurs communes, forment une société dans le sens où ils conçoivent eux-mêmes être liés par un ensemble commun de règles dans leurs relations avec les autres, et partagent le fonctionnement d'institutions communes. Il traite également de la notion d'ordre, des mécanismes de l'équilibre des puissances, du droit international, de la diplomatie, de la guerre et du rôle central des grandes puissances. Il conclut que, malgré l'existence d'autres formes d'organisation, le système d'États est la meilleure chance d'atteindre l'ordre dans la politique mondiale. Selon lui, la société internationale est anarchique dans le sens où des Etats souverains qui la composent sont totalement libres d'agir selon leurs intérêts égoïstes. Les Etats ne sont soumis à aucune autorité supérieure. Cela ne signifie pas, cependant, que le fonctionnement de la société internationale soit dénué de toute forme d'ordre. Il y a un ordre de fonctionnement, mais celui-ci est créé par les Etats eux-mêmes. Cet ordre résulte, notamment, des rapports de force et des règles coutumières de comportement qu'établissent les dirigeants politiques ainsi que les normes morales communes auxquelles adhèrent les Etats.
OBSERVATIONS
Il ressort des développements faits par les divers auteurs du réalisme classique des relations internationales, quelques points saillants :
• D’une manière générale, l’approche réaliste est fondée sur la problématique de l'état de nature, sur le rôle central de l'Etat et sur la notion d’intérêt.
• Chaque Etat fait prévaloir son intérêt au moyen de sa puissance en recourant à la diplomatie ou à la guerre.
• La société internationale est dominée par les relations politiques entre Etats. L'Etat joue un rôle central pour garantir l'ordre et la sécurité sur le plan interne et sur le plan des relations internationales.
• Sur le plan de la politique étrangère, c'est la souveraineté qui confère à l'Etat sa légitimité. Sur cette base, les Etats possèdent des moyens militaires autonomes qui leur permettent d'envisager leur destruction mutuelle. Ceci rend les Etats dangereux, les uns pour les autres.
Paragraphe 2 : Le néo-réalisme
Quels sont les principes fondamentaux et les auteurs du néo-réalisme ?
Les principes du néo-réalisme
Le néoréalisme est un courant théorique dans la discipline des relations internationales. Il a été fondé en 1979 par Kenneth Waltz dans son ouvrage « Theory of International Politics ». Le néo réalisme constitue une relecture, une reformulation du réalisme classique. Le néo réalisme est né en raison du déclin du réalisme classique avec la mise en place d'organisations internationales. Le néo réalisme considère que l'anarchie du système international est le seul déterminant du comportement des Etats. Ainsi, le néo réalisme estime que l'analyse des relations internationales doit privilégier les rapports entre les Etats au détriment du jeu politique interne (succession des gouvernements, divisions internes) qui n'a qu'une faible incidence sur la politique étrangère. Le néo réalisme rejette l'idée centrale du réalisme classique selon laquelle l'anarchie de la société internationale s'explique par une nature humaine profondément égoïste. Il affirme, quant à lui, que l'anarchie du jeu international résulte de la structure même de l'ordre international dépourvue de toute autorité souveraine au-dessus des Etats. Les néo réalistes enracinent donc leurs analyses non pas sur les motivations des acteurs mais sur les contraintes structurelles de l'ordre international. Contrairement aux réalistes classiques qui considèrent la recherche de la puissance comme la première préoccupation des Etats, les néo réalistes estime que la préoccupation fondamentale des Etats est plutôt leur sécurité.
Le néoréalisme s'est développé principalement dans la science politique américaine. Il constitue une tentative de reformuler le réalisme classique. Le néo-réalisme est une théorie structuraliste : elle considère que le seul déterminant du comportement des unités analysées, en l'occurrence les États, est l'anarchie du « système international ». En d'autres termes, il prône l'analyse des relations internationales en insistant sur les rapports entre les États. Cette conception rejette l'anthropologie pessimiste du réalisme classique, selon laquelle l'anarchie s'explique par une nature humaine profondément égoïste. Le néo-réalisme affirme que l'anarchie du jeu international résulte de la structure même de l'ordre international. Celui-ci est dépourvu de toute autorité souveraine au-dessus des États. plutôt que d'enraciner son analyse sur les motivations des acteurs, il insiste sur les contraintes structurelles de l'ordre international. Il souligne en outre la distinction entre les États souverains, qui revendiquent le « monopole de la violence légitime », et l'ordre international dénué de cette caractéristique centrale de la notion d'État. Alors que les réalistes classiques voyaient dans la recherche de la puissance la première préoccupation des États le néo-réalisme considère que la première préoccupation des États est leur sécurité. Celle-ci peut être atteinte par deux options : l'augmentation des capacités militaires et la constitution d'alliances. Par ailleurs, les néoréalistes sont profondément sceptiques à l'égard de la « théorie de la paix démocratique », qui lierait paix et démocratie. Apparu comme le successeur du réalisme classique, le néoréalisme fut pendant longtemps considéré comme le courant le plus influent des Relations Internationales. A cette époque, le réalisme classique perdait de plus en plus de son éclat au sein des milieux universitaires attachés à l’étude des relations internationales. Il fallait tenir compte de l’existence de certains faits internationaux qui contredisaient la pertinence du modèle du réalisme classique basé sur la défense des intérêts nationaux, définis en termes de puissance. La prise de conscience de l’interdépendance des Etats, l’importance accrue des organisations internationales, la coopération partielle qui s’établissait entre les deux grands systèmes antagonistes de la guerre froide, étaient en effet autant d’éléments participant à fragiliser les principes du réalisme classique et qui par conséquent discréditaient les réflexions des théoriciens partisans de ce courant. Afin de remettre au goût du jour les principes de cette pensée, il sembla alors nécessaire de corriger les faiblesses du réalisme classique, en prenant compte ces considérations.
Les auteurs du néo-réalisme
Nous résumerons ici la pensée de trois auteurs concernant le néo-réalisme : Kenneth Waltz, Robert Gilpin et Robert Keohane. Les principes du néoréalisme furent édictés par Kenneth Waltz, le théoricien le plus cité dans le domaine des Relations Internationales. L'idée de base proposée par Kenneth Waltz est le système international ou la structure des interactions entre Etats. A partir de ce point de départ, son but est de montrer, d'évaluer a quel point la structure établie par la distribution inégale des capacités, dans le system international, détermine les tendances du comportement des Etats. Pour Waltz, le système international contemporain est anarchique, étatique, hiérarchisée et dominée par deux grandes puissances. Il peut être assimilé à un marché compétitif. L'expérience de la compétition dans le système détermine les objectifs des Etats. Les comportements des Etats ne peuvent donc pas être expliqués simplement en référence aux motivations et intentions de leurs dirigeants. Toute tentative d'expliquer les comportements internationaux à partir de variables domestiques est qualifiée, par Waltz, de réductionniste.
Waltz reprit une partie des postulats du réalisme traditionnel, à savoir la primauté des Etats, la séparation entre l’ordre interne et externe ainsi que la nature anarchique du système international. Mais il adopta une nouvelle posture quant au niveau d’analyse choisi. Plutôt que de s’intéresser à l’action singulière des Etats, il marqua une rupture avec le réalisme classique en considérant que c’est la structure du système international qui conditionne le comportement des Etats. Les appellations « structuroréalisme » ou « réalisme structurel » parfois utilisées en lieu et place du terme « néoréalisme » constituent la preuve de la prédominance du concept de « structure » au sein de cette théorie.
Pour Waltz, trois éléments composent la structure du système international. Le premier est un principe ordonnateur que Waltz identifie dans l’anarchie, c’est-à-dire dans l’absence d’une autorité centrale capable d’ordonner les rapports entre les différentes unités composant le système, en l’occurrence les Etats. Il est à noter que pour les néoréalistes, l’anarchie revête un caractère bien plus important que chez les réalistes classiques comme variable déterminante de la conduite des unités. Le second correspond au principe fonctionnel de ces unités qui selon Waltz est d’assurer leur survie. Il s’agit là d’un trait essentiel de la théorie néoréaliste puisque ce n’est plus, comme pouvait l’affirmer les réalistes classiques, la recherche de la puissance qui gouverne l’action étatique, mais bien la nécessité pour l’Etat de perpétuer son existence et de survivre au sein du système. C’est la logique de l’anarchie qui impose aux Etats cette similitude fonctionnelle. Mais la survie n’est pas l’unique dessein étatique, bien qu’elle reste l’objectif premier ; celui qui prime sur tous les autres. Enfin, le troisième élément est la répartition des capacités entre les unités. En effet, si les
Etats sont tous mus par une fonction identique de survie, il n’en demeure pas moins que les capacités, c’est-à-dire les moyens d’y parvenir, ne sont jamais également réparties, et que cette inégalité participe au façonnement du comportement des Etats. La taille de la population et du territoire, la dotation en ressources naturelles, la capacité économique, la force militaire, et enfin la compétence et la stabilité politique sont les éléments repérés par Waltz pour définir le concept de capacité.
Ainsi, pour les néoréalistes, l’anarchie n’est pas une simple caractéristique du système international comme pouvaient l’affirmer les réalistes classiques, mais elle est la cause de toutes les actions étatiques entreprises sur la scène internationale. Cette structure anarchique créant de l’insécurité pour les Etats, ces derniers sont obligés de se garantir face à l’incertitude qui prédomine dans le système international, et notamment à cause de l’impossibilité d’identifier avec certitude les intentions plus ou moins belliqueuses ou pacifiques des autres Etats. Dans ce contexte, seul le recours à des moyens de défense jugés suffisants permet à chaque Etat d’assurer sa survie. A ce sujet, Waltz est le premier à énoncer le principe de « self-help » renvoyant à l’idée que dans un système anarchique, les unités qui le composent ne peuvent compter que sur elles-mêmes et sur leurs propres moyens pour assurer cette survie.
Waltz ira encore plus loin dans sa réflexion en distinguant les unités fortes des unités faibles ; un Etat étant considéré comme fort lorsqu’il influe plus sur les autres que les autres n’influent sur lui. Cette distinction qui souligne l’importance des grandes puissances au sein du système internationale est également utilisée par Waltz pour fonder le concept de polarité, désignant une configuration particulière de la hiérarchie entre les différents Etats. Ce concept fut reprit et alimenté par les théoriciens néoréalistes qui distinguent finalement trois possibilités de polarité au sein du système international : l’unipolarité, correspondant à une situation dans laquelle une seule grande puissance domine (on parle également d’un « système hégémonique »), la bipolarité, qui voit s’affronter deux grandes puissances de même envergure, et enfin la multipolarité, se caractérisant par l’existence de plus de deux pôles de puissance. Pour assurer leur survie, les Etats disposent dès lors de deux stratégies : le bandwagoning ou l’équilibre des puissances. Dans le premier cas, les Etats chercheront à s’allier avec le ou les Etats les plus forts ou les plus menaçants, ceci afin de bénéficier soit de leur protection, soit pour augmenter l’assurance de ne pas être attaqué. Dans le second, il s’agira également de s’allier à d’autres unités, mais cette fois-ci dans le but de concurrencer une puissance dominante dont les capacités, notamment militaires, sont menaçantes.
Robert Gilpin perçoit la nature du système international comme essentiellement inchangée depuis l'époque de Thucydide. Selon lui, les relations internationales sont la lutte renouvelée pour la richesse et la puissance entre acteurs indépendants dans un état d'anarchie. Malgré la pérennité de cette situation d'anarchie, Gilpin reconnait la possibilité de certains changements internationaux correspondants à la transformation de la nature des acteurs de la société internationale. Selon lui, le changement du système se rapporte à la modification de la gouverne du système. Gilpin analyse le changement d'interaction comme une évolution des rapports entre les acteurs des relations internationales (exemple : degré de coopération). A travers l'histoire, les changements de système se sont accompagnés de guerres généralisées. En particulier, les transitions entre les règnes hégémoniques se traduisent en conflits systémiques.
Robert Keohane tente de démontrer que l'interaction des Etats peut être coopérative car, même si l'harmonie naturelle n'existe pas, il est dans l'intérêt des Etats de former des régimes internationaux. Il importe pour les Etats d’avoir des règles qui limitent leur capacité d'agir unilatéralement. Selon lui, en dépit des divergences d'intérêt, l'économie internationale se caractérise par la coopération parce qu'il est dans l'intérêt des Etats, à long terme, d'établir une telle coopération. Il estime que les Etats restent toujours guidés par leur intérêt national. En d'autres termes, l'intérêt national conduit à l'établissement de structures internationales contraignantes. C'est l'idée de pacte social international.
Il convient, à présent, de rappeler l’observation qui a été faite plus haut, à savoir que la théorie des relations internationales comporte deux principaux courants : le courant conflictuel des relations internationales et le courant solidariste des relations internationales. Il existe plusieurs composantes dans chacun de ces deux courants. Le réalisme qui a été présenté (voir supra) est une composante du courant conflictuel.
Nous examinerons à présent une composante du courant solidariste qui est le « libéralisme ».
Section 2 : Le libéralisme
Selon le courant solidariste, les relations internationales contemporaines reposent sur la coopération entre les Etats. En effet sous l'effet du développement économique et technologique, l'accroissement des échanges internationaux a entraîné une interdépendance croissante des Etats et par conséquent une restriction de leur autonomie. Les théories solidaristes considèrent la société internationale comme un espace d'échange et de relations synergiques et harmonieuses. Le libéralisme est considéré comme la principale composante du courant solidariste. Le libéralisme cohabite avec d’autres composantes telles que, par exemple, La théorie fédéraliste et la théorie fonctionnaliste.
Selon la théorie fédéraliste, la société internationale (société composée d'individus et non d'Etats), ainsi que le développement de la coopération internationale et son institutionnalisation vont entrainer la création d'institutions et de règles communes. La théorie fédéraliste opte pour une forme de coopération intergouvernementale conduisant à un abandon des souverainetés des Etats au profit des communautés régionales ou sous régionales.
La théorie fonctionnaliste des relations internationales préconise une approche sectorielle des rapports internationaux. Cette approche s’inscrit dans un esprit de coopération. Dans cette logique, la coordination entre Etats doit entrainer des transferts de souveraineté vers des organisations internationales spécialisées ou vers une structure communautaire qui impliquera une intégration supranationale.
Le terme libéral vient du mot latin « liber » c'est-à-dire libre. Au départ, c'est-à-dire au XVème et XVIème siècle, les penseurs et partisans européens du libéralisme veulent se libérer des contraintes imposées par les sociétés de leur époque. La première liberté qu'ils recherchent est celle de croire dans la religion de leur choix, c'est-à-dire de suivre leur propre conscience et leur propre raison. Cette liberté implique la liberté d'expression et la liberté de militer en faveur de ses idées ; donc de s'organiser sans crainte de représailles. Le libéralisme deviendra un mouvement en faveur de l'instauration d'un régime politique qui place les libertés individuelles au-dessus de tout : la démocratie. C'est en faisant de l'individu la seule unité d'analyse possible, la principale unité de valeurs que le libéralisme acquiert un caractère révolutionnaire par rapport au réalisme pour lequel l'acteur essentiel est l'Etat souverain.
Paragraphe 1 : Les auteurs du libéralisme
A. Les précurseurs du libéralisme
On compte au nombre des précurseurs du libéralisme, deux grands philosophes de l’antiquité grecque : Platon et Aristote. Il faut mentionner aussi les contributions de Leibniz, Kant, Spinoza, Montesquieu et Jean Jacques Rousseau.
Il y a lieu de signaler que les auteurs anglais ont eu une plus grande influence parce que leurs idées ont été mises en œuvre par des grandes puissances du XIXème siècle et du XXème siècle, notamment les Etats Unis et la Grande Bretagne. A cet égard, on peut citer des penseurs comme John Locke, David Hume, Adam Smith, David Ricardo et Jeremy Bentham. Ces penseurs ont fait prévaloir la primauté des droits naturels individuels dans les domaines politiques et économiques et la nécessité de limiter le rôle de l'Etat à la création et au maintien des conditions économiques, sociales et politiques propices aux échanges entre individus. Le libéralisme soutient que la société internationale est constituée d'Etats indépendants qui rivalisent pour la défense de leurs intérêts propres, comme les individus sont en compétition au sein de chaque Etat pour la satisfaction de leurs intérêts. Selon cette vision, les relations internationales peuvent être civilisées et pacifiées au même titre que les relations interpersonnelles si elles sont fondées sur le capitalisme, le droit et la démocratie.
B. Les libéraux du XXème siècle
Les présidents américains Thomas Woodrow (1856-1924) et Franklin Delanoë Roosevelt (1882-1945) sont cités comme des représentants du libéralisme classique parce qu'ils ont soutenu, de façon décisive, la création d'organisations internationales vouées au maintien de la paix à l'issue des deux guerres mondiales. La SDN a été créée sous l’influence de Thomas Woodrow et l'ONU sous l’influence de Roosevelt. Ces deux grandes figures politiques ont soutenu la thèse d'une relation de cause à effet entre l'amélioration de la prospérité, grâce au développement du commerce, et le maintien de la paix. D’autres penseurs se sont inscrits dans cette vision.
Paragraphe 2 : Les thèses du libéralisme
La conception libérale soutient que la paix doit être instaurée par l'interdépendance.
La guerre doit être remplacée par l’interdépendance. Les libéraux s’opposent aux conceptions des réalistes et préconisent l'interdépendance et la solidarité internationale. Selon eux, trois facteurs doivent concourir au rapprochement entre les peuples : la démocratie, le commerce et l'institutionnalisation de la société internationale.
A. La transposition du système démocratique à la société internationale
Dans la logique du libéralisme, le monde ne connaîtrait pas la guerre s'il n'était composé que de démocraties. Ceci est fondé sur l’opinion selon laquelle le recours à la force est l'apanage des Etats autoritaires, nationalistes, gouvernés par la passion ou l'instinct du pouvoir. Cette situation devrait donc disparaître au fur et à mesure du développement des connaissances, du savoir et de la raison dont les démocraties sont l'incarnation. Le triomphe de la démocratie à l'échelle mondiale devrait donc signifier la fin des guerres et l'instauration d'une paix universelle durable.
B. Les échanges
L’aspect crucial est le développement des échanges dont doivent découler le progrès économique et technique et la solidarité entre les Etats. L'effet pacificateur du commerce est présenté comme une donnée essentielle. Le commerce international, repose sur la théorie des avantages comparatifs et la spécialisation des pays exportateurs devrait enrichir tous ses participants.
C. L'institutionnalisation de la société internationale
Les libéraux proposent la mise en place d'institutions internationales. Des institutions de sécurité collective. La société internationale est certes composée d'Etats souverains, mais il faut aussi une place aux acteurs non étatique c'est-à-dire les organisations internationales. Sur cette base ont été mis en place les Etats, la Société Des Nations et plus tard l'Organisation des Nations Unies. On peut également citer d’autres structures à l’échelle internationale.
Chapitre 2 : Les acteurs des relations internationales
Section 1 : Les Etats
Paragraphe 1 : L'existence de l'État
A. Les éléments sociologiques
1. Le territoire
C'est l'espace géographique sur lequel s'exerce à titre principal le pouvoir de l'État et les compétences des organes gouvernementaux. C'est le support matériel sans lequel on ne saurait concevoir au plan physique une structure étatique. Le territoire est considéré comme le premier élément constitutif de l'État. Le territoire comprend avant tout un espace terrestre. Le territoire étatique se prolonge verticalement pour tous les États, et peut l'être horizontalement pour certains États embrassant ainsi d'autres espaces. Verticalement, le territoire de l'État comprend l'espace aérien. C'est l'espace atmosphérique sur jacent (??) au territoire terrestre et à la mer territoriale pour les Etats qui ont une ouverture maritime. Horizontalement, le territoire de l'État comprend, pour les Etats qui ont un accès sur la mer, la mer territoriale. La largeur de cette dernière a évolué dans l'histoire maritime. Quels que soient les éléments qui composent le territoire, celui-ci a besoin d'être délimité. L'indétermination des territoires et des frontières ainsi que les politiques d'expansion territoriale constituent de tous temps des causes majeures de conflits dans le monde. La plupart des conflits interétatiques africains sont des différends frontaliers ou territoriaux.
Le droit international public s’efforce de prévenir les conflits en proposant des principes qui sauvegardent l’Etat. Par exemple, les principes traditionnels de la souveraineté et de l'intégrité territoriale, ou bien le principe de l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation. La détermination des limites du territoire est toujours problématique. Les frontières terrestres sont déterminées à titre principal par voie d'accord entre les Etats concernés, ou à défaut d'accord, par des organes désignés par les parties concernées.
Dans la délimitation des frontières, il faut tenir compte des facteurs extra juridiques (l'histoire, la géographie, la pratique des gouvernements, l'économie, etc..); mais ces facteurs ne déterminent pas à titre exclusif le tracé des frontières.
2. La population
C'est le groupe humain qui vit sur le territoire de l'État. La fixation d'une population sur un territoire constitue un facteur de stabilité et un critère de définition de l'État. La notion de population a d'abord une dimension démographique. En effet, en ce qui concerne la population, il faut déterminer l'ensemble des êtres humains qui habitent le territoire et mesurer le degré d'accroissement de la population en rapport avec les facteurs économiques tels que l'alimentation, l'emploi, la scolarisation ou l'accès à la santé. Il faut évaluer aussi le rapport de la population à l'espace.
3. Le Gouvernement
Le gouvernement est une représentation de l'État. Le gouvernement est l'appareil par lequel s'exerce le pouvoir sur une population vivant sur un territoire déterminé. Pour l’existence de l’Etat, il faut cet appareil. Cet appareil est à la fois politique, administratif et juridictionnel. Le droit international est indifférent à la forme du régime politique des Etats. Ce qui importe c’est la liberté politique des nations et des peuples, la noningérence, le respect de la souveraineté et le droit des peuples à disposer d'euxmêmes. La seule exigence faite au gouvernement est de remplir la condition de l'effectivité. Il s’agit d'assurer les fonctions essentielles de législation, d'administration, de protection de la population, de défense de l'intégrité du territoire, d’assumer les engagements internationaux. Le gouvernement doit contrôler les activités qui se développent sur le territoire et être disposé à respecter les obligations internationales.
B. Les éléments juridiques.
1. La personnalité juridique
La personnalité juridique est nécessaire à l’institutionnalisation de l’Etat et à son fonctionnement sur le plan interne et sur la scène internationale. La personnalité juridique permet à l’Etat d'agir directement sur la scène internationale. La personnalité juridique confère à l'État le pouvoir d'entretenir des relations diplomatiques et la capacité de présenter une réclamation internationale
2. La souveraineté internationale
La souveraineté signifie « non soumission » de l'État à une autre autorité sans son consentement. C’est l’indépendance. C’est l’exclusivité et la plénitude de la compétence territoriale.
Paragraphe 2 : La reconnaissance de l’Etat
A. Le sens de la reconnaissance
Un Etat qui vient à l’existence veut être reconnu comme tel par les autres Etats et par les organisations intergouvernementales. Pour des raisons pratiques qui sont évidentes, cette reconnaissance est voulue pour servir dans tous les domaines des activités internationales de l’Etat naissant. La reconnaissance peut être « de jure », ou
« de facto ». Si elle est entière, pleine, irrévocable et déclarative d’un fait de droit, on parle de reconnaissance « de jure ». Si elle peut être révoquée, ses effets sont provisoires, elle est alors dite « de facto ». La reconnaissance a une portée déclarative lorsqu’elle ne constate qu’un fait : la naissance d’un nouvel État. Mais la théorie constitutive de la reconnaissance va plus loin puisqu’elle stipule qu'une structure devient un sujet du droit international uniquement lorsque d'autres États reconnaissent cette structure comme un État souverain.
Les modalités de la reconnaissance sont très souples. Elles sont nées de la pratique. La structure étatique est immuable. Depuis toujours, il est exigé une population, un territoire, une organisation institutionnelle. Le droit international n’a fait que constater l’émergence des phénomènes étatiques au cours de l’Histoire.
Derrière chaque État, se trouve un peuple, une identité, une volonté générale de se réunir, de se constituer en Nation. C’est ce peuple qui anime l’État. La reconnaissance d’un État, c’est aussi la reconnaissance d’un peuple, sa volonté de se réunir sur un territoire déterminé et de créer des institutions. La reconnaissance d’État est née de la pratique, comme l’émergence du phénomène étatique.
B. Les incertitudes de la reconnaissance
Aucun texte de droit positif n’évoque la reconnaissance comme norme juridique. La reconnaissance est facultative, il n’y aucune obligation de reconnaissance, même s’il existe des devoirs de non-reconnaissance notamment en cas d’acquisition par la force d’un territoire, ou de violations d’obligations internationales. Les modalités de la reconnaissance sont très souples. Il s’agit d’un acte discrétionnaire qui peut présenter des dangers. C’est un acte né de la pratique et qui a des conséquences incertaines.
Etant donné que la reconnaissance n’est pas encadrée par le droit international, celleci est source d’insécurité juridique. L’État est difficile à comprendre, à appréhender, par son abstraction, par l’autorité qu’il dégage, par la souveraineté et l’indépendance qui lui sont attribuées.
Section 2 : Les Organisations Internationales
Paragraphe 1 : Nature et structure des organisations internationales
A. Nature
Dans une approche juridique stricte, la notion « d’organisation internationale » ne vise que les organisations intergouvernementales. Dans ce sens une organisation internationale est une organisation établie par un traité international ou une convention multilatérale entre des Etats souverains ou organisations nationales, dans le but de coordonner au niveau mondial, continental ou régional des actions sur un sujet particulier déterminé par ses statuts. Les organisations intergouvernementales ont des statuts de personnes morales et sont des sujets du droit international. Il s’agit de toute organisation instituée par un traité ou un autre instrument régi par le droit international et dotée d'une personnalité juridique internationale propre.
Dans le langage courant, L’expression « organisations internationales » peut désigner deux types distincts d'organisations :
• Les organisations intergouvernementales (mentionnées plus haut) ;
• Et les organisations non gouvernementales (O.N.G.). Les organisations non gouvernementales sont de simples groupements de personnes physiques ou morales de nationalités différentes qu'unit la poursuite de buts communs variés. Elles n’ont pas la personnalité juridique internationale.
B. Structure
Les organisations intergouvernementales sont composées d'États et constituent des structures permanentes de coopération entre leurs membres. Dotées d'une personnalité juridique propre, elles exercent une action distincte de celle des États, utilisant à cette fin les moyens qui leur sont attribués (organes, agents, budget, compétences). Elles sont des sujets de droit international au même titre que les États, titulaires comme les Etats de droits et d'obligations sur le plan international. Les organisations intergouvernementales (OIG) sont donc l'émanation des Etats qui en sont membres et qui ne disposent donc que des pouvoirs accordés par ceux-ci dans le cadre de traités internationaux. Elles relèvent du droit international public. Exemples
: OCDE, OIT, OMC, OMS, ONU, OTAN, UNESCO. Les organisations intergouvernementales comprennent en général plusieurs organes :
• Un secrétariat (permanent pour la gestion des affaires administratives), Un organe exécutif (ex Conseil de sécurité pour l'ONU).
• L’assemblée des Etats membres (instance délibérante),
• Différentes commissions, instances intermédiaires ou bureaux régionaux.
Les organisations non gouvernementales présentent des caractères différents. Comme indiqué plus haut, ce sont de simples groupements de personnes physiques ou morales de nationalités différentes qu'unit la poursuite de buts communs variés.
Par exemple, il peut s’agir d’un but sportif (Comité international olympique), d’un but social (internationales syndicales), d’un but écologique (Greenpeace), ou d’un but humanitaire (Comité international de la Croix-Rouge, Amnesty International).
Très souvent, les organisations non gouvernementales (ONG) rassemblent des organismes privés de différents pays. Leur activité est indépendante de celles des Etats. Est considérée comme organisation non gouvernementale toute organisation dont la constitution ne résulte pas d'un accord intergouvernemental. Exemples : Amnesty International, Greenpeace, Médecins sans frontières (MSF). De telles organisations sont dépourvues de la personnalité juridique internationale et relèvent du droit des États où elles sont implantées. Elles exercent une influence qui peut être grande dans la vie internationale. Elles font pression directement ou indirectement sur les États et les organisations intergouvernementales pour infléchir leur action dans le sens qu'elles souhaitent. Elles peuvent être investies exceptionnellement par les États de responsabilités internationales. Par exemple, c’est le cas du C.I.C.R. qui est chargé notamment de veiller au respect des conventions sur le droit humanitaire (Voir la convention de Genève sur la protection des victimes de conflits armés).
Des relations formelles peuvent s'établir entre les différents types d'organisations. Ainsi, les O.N.G. peuvent être consultées sur des questions de leur compétence par des organisations intergouvernementales et participer à leurs travaux sans droit de vote. Il faut distinguer les entreprises publiques internationales qui sont créées par les États en vue de gérer une activité de caractère industriel ou commercial. Ces entreprises sont issues, comme les organisations, d'une convention interétatique, mais elles présentent avec les organisations de notables différences. Elles ont une structure de sociétés commerciales. Leurs membres sont le plus souvent des organismes publics des États concernés et leur statut juridique est mixte (régi à la fois par leur acte constitutif et le droit de l'État où elles exercent leurs activités). La capacité d'agir de façon autonome ne leur a été reconnue que progressivement.
Paragraphe 2 : Rôle des organisations internationales
L'un des aspects les plus marquants des relations internationales contemporaines est le rôle croissant joué par les organisations internationales dans la coopération que nouent les États pour régler leurs problèmes communs. Leur nombre n'a cessé d'augmenter au fil des années mais leur importance est extrêmement variable et toutes n'ont pas, au même degré, la capacité d'agir sur le plan international. Le rôle des organisations intergouvernementales diffère de celui des organisations non gouvernementales.
A. Rôle des organisations intergouvernementales
1. Généralités
D’une manière générale, il est admis que les organisations intergouvernementales facilitent la planification, la conception et l'élaboration des normes internationales. Elles permettent l'échange d’informations, favorisent une activité normative fondée sur des données probantes et font la promotion des discussions sur les bonnes pratiques en matière de réglementation. Les principaux défis des pays transcendent les frontières nationales. Les menaces liées aux changements climatiques, aux épidémies, au terrorisme, à la fraude fiscale, aux flux financiers illicites ainsi qu’aux crises économiques et sociales ont toutes des origines et des répercussions d’ampleur internationale. Les pays doivent coordonner leur action pour assurer une prospérité et une sécurité partagées. Par exemple, les pays de l’OCDE ont reconnu que la coopération réglementaire internationale était essentielle pour assurer la qualité de la réglementation nationale. Les organisations intergouvernementales (OIG) jouent un rôle déterminant pour favoriser la coopération réglementaire internationale et lutter contre le morcellement qui peut entravent l’efficacité de l’action publique. les règles internationales qu’elles élaborent sont les piliers d’un système de gouvernance mondiale efficace au service d’une économie mondiale durable. Il est donc crucial de veiller à leur qualité. Cette activité d’élaboration des normes s’appuie essentiellement sur des instruments non contraignants. C’est particulièrement vrai pour les organismes privés de normalisation et les réseaux Trans gouvernementaux. Les organisations intergouvernementales disposent d’un éventail plus large d’outils aux effets juridiques divers. Pour être efficace, l’action menée par les OIG doit être coordonnée avec l’action publique nationale et refléter une gestion ambitieuse de la qualité dans l’élaboration des instruments juridiques et stratégiques.
Les OIG universelles ont pour rôle de rassembler différents États. D’autres n’acceptent seulement que certains États en se basant sur des critères géographiques, comme un continent ou un sous-continent. Les OIG globales permettent l’unification de la société internationale en rendant durable la conception, la promotion et la défense d’intérêts généraux de la communauté internationale. Les États en tant que membres de la société internationale se doivent de faire entendre l'intérêt général de la communauté internationale. C’est pour cela que ces organisations reposent sur le principe d’inclusion. Les OIG restreintes quant à elles se fondent sur les intérêts particuliers et partagés de ses membres, en exprimant une pensée collective pour renforcer l’influence du groupe et d’en protéger ses membres. C’est le principe d’exclusion ici, qui est prôné ; en effet on ne prend part à ces OIG que sur la base de critères sélectifs dans le but de renforcer la représentativité et l’effectivité de l’OIG. L’OIG peut seulement donner lieu à une institutionnalisation dans le but de donner un caractère permanent à une coopération interétatique. Il s'agit d'organisations de coopération. L’OIG peut aussi avoir pour but de faire émerger une nouvelle unité politique, économique et sociale visant à se substituer aux États membres. Il s’agit d'organisations d'intégration.
2. Le cas de l’ONU
La principale mission des Nations unies est de maintenir la paix et la sécurité à un niveau international. Les Nations unies prennent des mesures collectives pour la prévention et la suppression des menaces contre la paix, ainsi que pour l’élimination des actes d’agressions ou toute autre entrave à la paix. Toutes ces mesures doivent être établies par des moyens pacifiques, en conformité avec l’ordre de la justice et du droit international. Les Nations unies se doivent aussi de prendre des mesures pour l’adoption ou le règlement de situations ou différends internationaux qui pourraient mener à une violation de la paix. Les Nations unies ont aussi pour mission de développer des relations cordiales entre toutes les nations, basées sur le respect du principe de l’égalité des droits, et de l’autodétermination des peuples, ainsi que de prendre des mesures appropriées pour renforcer la paix universelle. Les Nations unies doivent promouvoir la coopération internationale dans le domaine de la résolution des conflits internationaux ayant un caractère économique, social, culturel ou humanitaire.
Ceci suppose la promotion et l’encouragement au respect des droits de l’Homme celui des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions basées sur la race, le sexe, la langue ou la religion. Les Nations unies se doivent d’être un centre d’harmonisation des actions de toutes les nations afin de réaliser ces objectifs communs. 193 États sont membres des Nations unies. L'article 4 de la Charte des Nations énonce que « Peuvent devenir Membres des Nations unies tous autres États pacifiques qui acceptent les obligations de la présente Charte et, au jugement de l'Organisation, sont capables de les remplir et disposés à le faire. L'admission comme Membres des Nations unies de tout État remplissant ces conditions se fait par décision de l'Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité ».
B. Rôle des organisations non gouvernementales
1. Le domaine de la coopération et de la lutte contre la pauvreté
Les ONG du Nord travaillent avec des ONG partenaires au Sud et sont proches des populations bénéficiaires. Ces ONG sont particulièrement bien placées pour participer aux programmes de lutte contre la pauvreté.
Il y a lieu de souligner le professionnalisme et les réussites incontestables de nombreux programmes menés au Sud par les ONG. Si certaines ONG ont de la peine à dépasser un niveau très local (ou souhaitent volontairement être efficaces localement), d’autres grandes ONG peuvent toucher des dizaines de milliers de personnes avec leurs programmes dans les domaines de la santé, de l’éducation et du développement rural.
La souplesse et la rapidité d’action qui caractérisent les ONG en font, selon beaucoup, des instruments plus efficaces dans la lutte contre la pauvreté que les gouvernements et les « grands machins », les grandes institutions multilatérales, susceptibles d’être freinés par des lourdeurs bureaucratiques. En outre, les petites ONG montrent une capacité à mobiliser la population pour des actions rapides lorsqu’une crise éclate dans un pays donné. L’exemple de la Roumanie illustre bien comment, au début des années 1990, une multitude d’ONG ont été créées dans un temps record et beaucoup d’initiatives prises en Suisse pour récolter de l’argent et acheminer l’aide à des communautés en Roumanie, alors que seules quelques grandes ONG traditionnelles ont rapidement mis sur pied des actions dans ce pays. Les crises humanitaires entraînent la présence rapide de beaucoup d’acteurs non gouvernementaux qui peuvent être complémentaires aux agences gouvernementales. Les ONG ont été considérées parfois comme plus efficaces que les agences gouvernementales.
Les ONG sont très efficaces pour réunir des dons auprès des populations des pays nantis. Les grandes ONG traditionnelles bénéficient d’une base de membres et de donateurs avec en outre, pour les ONG confessionnelles, un ancrage dans les Eglises. De même, les ONG ont la capacité de mobiliser des forces bénévoles dans les pays du Nord et des volontaires pour le soutien de projets dans les pays du Sud.
Ce travail de proximité et de mobilisation, ce maintien des dons reposent en grande partie sur la confiance accordée aux membres des ONG, par les sympathisants et les donateurs. Les ONG bénéficient d’un certain prestige auprès du public. Elles ont réussi à être considérées comme des porteuses d’espoir, face aux drames humains lors de catastrophes naturelles, de conflits et face aux inégalités criantes. A l’écart des lourdeurs bureaucratiques des gouvernements et des lois impitoyables du marché qui laisse de côté tous ceux qui n’ont pas de « pouvoir d’achat », elles ont représenté une sorte d’espoir. Les ONG des pays du Nord s’avèrent aussi de précieuses alliées des agences de coopération pour sensibiliser la population à la nécessité de la solidarité
Nord-Sud ; elles mobilisent une partie de l’opinion publique en faveur de l’aide au développement et servent de canaux d’information sur les projets réalisés dans les pays en développement et sur l’apport de la coopération aux personnes bénéficiaires. Ce rôle de sensibilisation des populations des pays du Nord aux questions de développement et aux problèmes économiques et sociaux dans les pays en développement est crucial. La possibilité qu’ont les ONG de travailler en réseau sur le plan international et ainsi de se mobiliser en faveur de certaines causes a considérablement renforcé le poids de leurs campagnes, en créant une sorte d’« opinion publique mondiale ». Citons les campagnes contre les mines antipersonnel, pour l’accès aux médicaments dans les pays en développement, contre certaines pratiques d’entreprises transnationales, pour l’allègement de la dette, pour les populations autochtones, pour les droits de l’homme et pour les droits des enfants. Les milieux anti-OMC et les mouvements altermondialistes ont aussi largement exploité les moyens offerts par les nouvelles technologies de la communication, telles qu’Internet et la messagerie électronique. Ce travail existant déjà pour quelques organisations comme la Déclaration de Berne et la Communauté de travail, s’est élargi grâce à de nouveaux acteurs (ATTAC et l’endettement des pays pauvres, OXFAM et le commerce international…). Dans certains domaines, comme le lobby antiguerre ou les négociations commerciales internationales, les ONG suisses ont joué un rôle important de contre-pouvoir ; elles ont ainsi dénoncé notamment les exportations d’armes, l’aide liée (crédits mixtes), la promotion de certaines exportations couvertes par la GRE, le non-respect des droits humains ainsi que certaines activités des multinationales, et œuvré en faveur du commerce équitable, du développement durable et de l’éducation au développement.
Les ONG sont devenues des interlocuteurs sérieux et des partenaires de certains gouvernements des pays du Nord lors des grandes conférences internationales sur le développement social et sur le développement durable. Certaines d’entre elles ont développé une grande aptitude à fournir des expertises, des rapports et des analyses, ce qui a considérablement renforcé leur crédibilité. Dans certains Etats la reconnaissance du travail des ONG sur le terrain et de leur expertise dans certains domaines a permis aux ONG de devenir un interlocuteur privilégié. La qualité du travail d’organisations comme Médecins sans frontières dans le domaine de l’accès aux médicaments en fait des interlocuteurs sérieux. On peut évoquer aussi l’expertise d’ONG dans le domaine du commerce équitable.
Les ONG sont devenues un élément important de la gouvernance mondiale, qui n’est plus du seul ressort des gouvernements. D’autres acteurs – société civile, secteur privé, parlementaires –ont un rôle à jouer pour résoudre les problèmes globaux. Les grandes conférences mondiales des années 1990 ont permis de traiter des questions cruciales qui nécessitent une action concertée sur le plan international. Les médias et les ONG ont sans doute largement contribué à sensibiliser l’opinion publique aux enjeux en question.
La société civile est un acteur important du débat démocratique. Aujourd’hui, la démocratie ne se résume plus, pour les citoyens, à l’élection de parlementaires qui adopteront les lois ; on parle de plus en plus de la démocratie participative, qui permet d’intervenir dans le débat politique. Cette intervention inclut les pressions directes des ONG sur les détenteurs du pouvoir et le lobbying auprès de parlementaires lors de discussions au Parlement sur des thèmes qui touchent la politique de développement. Quand les ONG dénoncent publiquement le manque de cohérence des politiques du gouvernement à l’égard des pays en développement, le Conseil fédéral et l’administration publique peuvent être mis sous pression et doivent quelquefois se distancer des positions des ONG ou répondre aux critiques. L’administration publique reconnaît toutefois souvent le rôle important des ONG pour relever l’importance de la coopération au développement et pour mieux prendre en compte les différents aspects de la politique extérieure qui ont des incidences sur les pays en développement.
2. Le domaine des droits de l’homme
Il faut souligner le rôle essentiel que jouent les ONG pour la protection des droits de l’homme dans le monde entier. A presque tous les niveaux des diverses tentatives mises en œuvre pour préserver la dignité des citoyens individuels, lorsque celle-ci est menacée par l’Etat, les ONG jouent un rôle crucial:
• en luttant contre les violations individuelles des droits de l’homme, directement ou en apportant leur soutien à des « causes types » par l’intermédiaire de tribunaux compétents ;
• en offrant une assistance directe aux victimes de violations de leurs droits;
• en exerçant des pressions pour amener des changements au niveau de la législation nationale, régionale ou internationale ;
• en contribuant au développement de la substance de ces lois;
• en promouvant la connaissance et le respect des droits de l’homme parmi la population.
La contribution des ONG est importante non seulement en termes des résultats atteints – à savoir l’optimisme que ces succès génèrent parmi la population concernant la défense des droits de l’homme dans le monde -, mais aussi parce que les ONG sont, au sens premier du terme, des outils à la disposition de tous les individus et groupes dans le monde. Si ces organisations sont gérées et coordonnées par des personnes privées, elles doivent une grande partie de leur force aux autres membres de la communauté qui apportent leur soutien aux causes qu’elles défendent. Cette spécificité leur confère une signification importante aux yeux de tous ceux qui souhaitent contribuer à l’amélioration des droits de l’homme dans le monde.
La Conférence sur les droits de l’homme tenue en 1993, connue sous le nom de Conférence de Vienne, a été suivie par 841 ONG du monde entier, toutes se définissant par leur mission en matière de droits de l’homme. Même si ce chiffre peut impressionner, n’était représentée qu’une toute petite partie des ONG qui œuvrent pour la promotion des droits de l’homme dans le monde. La plupart de celles qui se disent « organisations des droits de l’homme » sont généralement engagées dans la protection des droits civils et politiques. Parmi les plus connues de ces organisations, du moins sur la scène internationale, figurent Amnesty International, Human Rights
Watch, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), Human Rights First et Interights. Mais, comme nous l’avons vu, les droits civils et politiques ne forment qu’une des catégories de droit de l’homme reconnus par la communauté internationale, tandis que de nouveaux droits continuent à émerger, aujourd’hui encore. Cela étant, et si l’on considère l’ensemble des secteurs de lutte - la pauvreté, la violence, le racisme, les problèmes sanitaires, les sans-abri et les problèmes environnementaux, pour n’en citer que quelques-uns, le nombre actuel d’ONG
engagées dans la protection des droits de l’homme, sous une forme ou une autre, frôle les centaines de milliers dans le monde.
ISSA TOURE
DOCTEUR EN DROIT
MAGISTRAT HORS HIERARCHIE